Stimuler la co-créativité grâce au design thinking
Produire des idées originales, utiles et empreintes de sens est un enjeu majeur pour les entreprises. Reste à mieux comprendre comment elles peuvent y parvenir plus efficacement. Si la créativité individuelle a fait l’objet de nombreuses recherches, la co-créativité, c’est-à-dire la créativité qui s’opère dans une logique collective et collaborative, est plus rarement étudiée.
Une étude quantitative menée en France propose une compréhension fine des mécanismes sous-tendant la mise en œuvre d’une démarche de co-créativité basée sur le design thinking et à la manière d’accroître sa performance. Bien que cette pratique soit devenue très importante en entreprise, les travaux académiques à son sujet sont peu nombreux et ils adoptent principalement une perspective théorique.
Popularisé par les ouvrages de Peter Rowe et de Tim Brown, le design thinking (ou pensée design) s’est progressivement imposé comme une méthode de référence en matière de co-créativité, et il a conduit à de nombreux succès. Par exemple, le design thinking a permis aux ingénieurs de l’entreprise GE Healthcare de rendre les appareils d’imagerie médicale moins effrayants pour les enfants – en y ajoutant des peintures, des odeurs et des sonorités renvoyant à un univers ludique –, réduisant ainsi notablement l’usage de sédatifs.
La modélisation proposée intègre les trois étapes du design thinking, dont les objectifs sont décrits infra. Des hypothèses relatives aux composantes de chacune des étapes et à l’enchaînement de ces dernières ont été formulées.
(1) Définition des besoins : étudier les insatisfactions des utilisateurs face aux produits existants, dans le but d’essayer d’y répondre par un nouveau produit ou service.
(2) Production des idées : imaginer toutes les solutions possibles pour répondre aux besoins des utilisateurs identifiés préalablement (« divergence ») ; puis sélectionner la meilleure solution pour résoudre le problème (« convergence »).
(3) Prototypage de la solution : créer un exemplaire physique de la solution retenue à l’issue de la phase de convergence, qu’il s’agisse d’un produit, d’un service, ou d’une combinaison des deux, afin de recueillir rapidement un retour du consommateur.
Les données ont été recueillies lors d’un séminaire de créativité d’une durée de 45 jours utilisant la méthode du design thinking. Les participants ont répondu au défi de l’entreprise Kicklox en suivant les trois étapes décrites supra.
Les résultats identifient différents éléments critiques dans le processus de co-créativité. Par exemple, la clarté des besoins des utilisateurs conduit à une plus grande fluidité de la production d’idées qui, à son tour, accroît la diversité des idées produites. La phase de définition des besoins se révèle donc être un préalable au bon déroulement de la production d’idées. A l’étape du prototypage, une diversité des idées moyenne à forte améliore la qualité de la matérialisation, révélant ainsi son utilité lors du processus de co-créativité. De plus, la qualité de la matérialisation se voit améliorée lorsque la convergence vers une solution unique a été facile. Notons que certaines variables individuelles, telles que l’empathie, ont une influence spécifique sur les étapes du processus de co-créativité basé sur le design thinking.
Les données collectées montrent que la mise en place d’un processus de co-créativité basé sur le design thinking peut améliorer significativement la production créative des équipes, mais à deux conditions : sélectionner les profils individuels adéquats à intégrer dans une équipe de créativité et utiliser des leviers d’action spécifiques à chacune des étapes de la procédure afin d’en accroître l’efficacité.
A l’heure où, poussées par l’économie de l’expérience, les entreprises renouvellent leurs méthodes, force est de constater que le design thinking s’avère pertinent pour innover en équipe.
Cette contribution se fonde sur l’article de recherche intitulé « Modélisation d’un processus de co-créativité : les apports du design et du management », co-écrit par Maud Dampérat, Florence Jeannot, Eline Jongmans et Alain Jolibert et publié dans Recherche et applications en marketing.